Incontournable et prolifique : la scène musicale de Milan fait parler d'elle

Épicentre musical historique de l’Italie, le riche patrimoine de Milan continue d’être enrichi par un impressionnant vivier d’artistes. Si la capitale lombarde n’a pas de scène musicale dominante, c’est pour faire coexister une succession de niches musicales passionnantes. Sans jamais se cloisonner, tant le maître mot de la ville est l’échange social.

En préambule de la prochaine soirée Stereotrip Milan, petit panorama non exhaustif de la scène milanaise et de son évolution.

Illustration réalisée par Flavie Roux.
Article rédigé par Antoine Gailhanou.


Un dicton affirme que si Rome a le cinéma, Milan a la musique. Cette dernière a toujours accueilli les plus grands compositeurs dans de riches écrins, en particulier la Scala, immortalisée par les opéras de Verdi. Ville de naissance de Nino Rota ou du légendaire rockeur Adriano Celentano, elle est aussi la ville d’un autre pionnier du rock transalpin, Enzo Jannacci. En solo ou dans son duo avec Giorgio Gaber, celui-ci a su moderniser la chanson milanaise en la mariant aux musiques anglo-saxones, s’essayant même au jazz ou à la musique de film, jusqu’à sa mort en 2013.

La capitale lombarde a été de tous les mouvements musicaux. Quand la vague du rock progressif italien a bousculé le pays à l’aube des années 70, les milanais étaient bien représentés. Si on retient surtout les Romains de Goblin, des héritiers majeurs de King Crimson et Genesis viennent de Milan, comme Premiata Forneria Marconi ou Le Orme. Un peu plus tard, alors que la fièvre de l’Italo Disco se répend, c’est encore Milan qu’on retrouve aux premières loges, via le distributeur Discomagic, le groupe Kano, et des voix comme Diana Est ou Silvio Pozzoli.

Sans oublier l’un des événements les plus importants du pays : le festival de San Remo, que la ville accueille depuis 1951. Si son premier rôle est de déterminer le candidat de l’Italie à l’Eurovision, il est surtout un tremplin majeur pour des artistes venus de tout le pays. Récemment, il a couronné les Måneskin, avant leur triomphe mondial, ainsi que le chanteur de R&B milanais Mahmood, double gagnant en 2019 puis 2022 en duo avec le tout jeune Blanco.

 

Toute une riche histoire musicale, à l’ombre de laquelle prospère une scène underground passionnante. Difficile d’identifier une scène majeure, mais plutôt une constellation de niches musicales. Celles-ci existent toujours dans des lieux multidisciplinaires, comme le Santeria Social Club, ancienne concession Volvo devenue bar-restaurant, lieu de co-working mais aussi de formation musicale ; le tout avec une salle de 450 places pour accueillir I’m Not A Blonde mais aussi Pomme ou Aldous Harding. Peut-être encore plus qu’ailleurs, la musique est là-bas vecteur de socialisation. Cela se vérifie également dans les squats très présents dans la ville, à l’image du Cox18, debout depuis 1976.

La scène rock milanaise pouvait aussi compter sur le Rolling Stone, fermé en 2009, qui accueillait les plus grandes stars locales et internationales. D’autres clubs sont apparus entre-temps, comme l’Alcatraz ou le Legend, plus orienté metal. Une diversité de lieux, qui a pu voir émerger des artistes comme Calibro 35, groupe de rock/funk “cinématographique” fondé en 2007, héritier tant d’Ennio Morricone que Pharrell Williams, samplé par Dr.Dre et Jay Z. Le tout au côté d’une scène rap forte – où émergent tant Club Dogo qu’Ernia ou Fedez – ou metal, avec comme fer de lance Lacuna Coil. La liste pourrait encore continuer, via le jazz, autour du label Schema Records.

La ville est également riche en clubs de qualité, proposant également presque chaque fois des live : les deux formats cohabitent bien plus qu’en France. Beaucoup ont émergé dernièrement, du Fabrique au Volt Club (qui a pris la place du du Bang Bang, lieu phare du rock des années 60). Ainsi, alors que les artistes techno étaient plutôt poussés à l’exil, tels le duo Tale Of Us, des artistes underground de grande qualité y font désormais carrière. Qu’il s’agisse de l’artiste ambient Caterina Barbieri, du duo Tamburi Neri, ou de la pop futuriste de Marta Tenaglia, sans oublier Pinhdar, les propositions électroniques passionnantes sont légion. Et là encore, la dimension sociale est toujours importante, comme le prouvait le label spécialisé house Rollover Milano : début 2020, alors que le pays faisait les premiers les frais du Covid-19, il en sortait dès le mois d’avrilune compilation pour aider à y résister. Ou comment faire de la musique une main tendue vers l’autre.