Rob’autisme : petits robots mais grands espoirs

Le projet Rob’autisme vient de remporter le Prix Spécial au Trophée Culture et Hôpital et suscite l’intérêt grandissant des chercheurs et thérapeutes. Depuis trois ans, en mixant robot et art, ces ateliers obtiennent d’impressionnants résultats auprès des jeunes autistes.

Soigner à l’aide d’un robot un trouble dont l’un des principaux symptômes est un défaut de communication humaine, cela pourrait sembler paradoxal… Et pourtant, depuis bientôt 20 ans, plusieurs expériences montrent les effets bénéfiques de la robotique sur les personnes atteintes du trouble du spectre autistique - du projet séminal « Aurora » initié dès 1998 en Angleterre à « Robokind », centré sur des temps de jeux en 2012 au Portugal. Mais depuis 2014, c’est à Nantes qu’on innove en la matière grâce aux ateliers Rob’autisme. Leur originalité ? Une rencontre inédite entre les mondes de la psychothérapie, de la robotique et de l’art incarnée par un partenariat CHU de Nantes / Stereolux / association Robots ! / Ecole Centrale.

Nao à la rescousse

Les prémices de l’aventure remontent à 2012, quand l’orthophoniste Rénald Gaboriau de l’hôpital de jour du CHU contacte Stereolux pour enrichir ses ateliers à destination de jeunes autistes du savoir-faire d’une artiste sonore, Cécile Liège. Deux ans plus tard, une dimension est adjointe au projet avec l’arrivée de Sophie Sakka (professeure chercheuse à Centrale Nantes, responsable de l’association Robots!) et des robots humanoïdes Nao. Du haut de ses 58 cm, Nao est déjà une petite légende, réputé pour sa dextérité sans pareil (il danse !) et ses gentils grands yeux. Avec Rob’autisme, on lui découvre de nouvelles qualités : thérapeutiques.

Un vrai travail de création

Reconduit pour la troisième année, le projet accueille six adolescents autistes lors de 10 séances au CHU pour élaborer la création sonore, ainsi que 10 séances à Stereolux pour apprendre à utiliser le logiciel permettant de contrôler Nao. Une première pour un public spécifique. Ils le font parler (en enregistrant leur propres voix), se déplacer, bouger les bras, la tête... En juin 2015, les ateliers donnent lieu à un spectacle basé sur l'album Une histoire à quatre voix d'Anthony Brown ; en 2016, à un autre spectacle plus complet où les enfants écrivent eux-mêmes l’histoire qu’ils mettent ensuite en musique, en bruitages et en mouvements.

Des résultats inespérés

Dès les premières séances d’ateliers, des progrès spectaculaires sont constatés, dépassant les espérances des professionnels de santé.

Les enfants communiquent mieux au sein de leur groupe (le travail sur Nao s’effectue en binôme) et sont fiers de pouvoir montrer leurs compétences.

Ils parlent plus posément, se concentrent mieux, et collaborent… Des bénéfices pouvant s’expliquer par un phénomène de transfert. Le robot, support rassurant et ludique, devient une sorte d’extension des enfants qui, de fait, se sentent en sécurité. Ils ont le droit à l’erreur et peuvent exprimer des choses qu'ils n'oseraient pas dire autrement. En un mot, Nao les désinhibe. Et désinhibe la communauté scientifique.

Un projet qui fait parler de lui

En 2016, un travail de recherche-action a été lancé par le Dr Laura Sarfaty et poursuivi par le Dr Thierry Chaltiel du CHU de Nantes, pour dépasser les simples observations des équipes encadrantes et faire connaître le projet dans la communauté scientifique.

Dans son tout nouvel ouvrage, L'enfant, les robots et les écrans - Nouvelles médiations thérapeutiques, le psychiatre, psychanalyste et docteur en psychologie Serge Tisseron cite les ateliers réalisés à Stereolux comme des modèles de réussite (voir ici notre interview). Ce que le Prix Spécial remporté par Rob'autisme l’an dernier au Trophée Culture et Hôpital (valorisant les meilleures innovations des établissements sanitaires et médicosociaux dans les pratiques artistiques et culturelles à l’échelle nationale) ne semble pas contredire !

Matthieu Chauveau