Festival Scopitone Chapitre 2 : Divination algorithmique

Exposition Prophéties
Gratuit
jeu. & ven. de 13h00 à 20h30 | sam. de 11h00 à 20h30 | dim. de 11h00 à 19h00
ouverture officielle le mer. à 18h30
Carte Stereolux

Ces nouvelles techniques divinatoires trouvent aujourd’hui un écho puissant dans l’essor de l’intelligence artificielle générative, qui modélise nos comportements et oriente nos choix individuels et collectifs. Les installations The Confessional et AI Ego (mots) incarnent avec une ironie techno-chamanique l’ambivalence de notre rapport à l’IA, entre fascination et inquiétude, construction identitaire et quête de vérité. L’IA serait-elle devenue une entité omnisciente à nos yeux ? L'œuvre interactive Qui est là ? (Albertine Meunier) interroge avec malice notre propension à invoquer une entité vaporeuse, au risque d’oublier que ses performances sont le fruit de l’intelligence humaine et d’une continuité technologique. Une historicité qui est également réactivée dans L’Archeosténographe (Véronique Béland et Julie Hétu), où l’art pariétal rencontre la high-tech, tissant un lien poétique entre mémoire préhistorique et imaginaires numériques. Et si finalement notre monde semble basculer dans une algorithmisation généralisée, quelle marge de manœuvre reste-t-il aux humains pour déjouer un système implacable ? Synthetic Messenger (Tega Brain et Sam Lavigne) offre une piste de réponse en détournant les logiques algorithmiques, révélant notre capacité à réorienter l’attention collective, tout spécialement face à la crise climatique.

mots
 

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(MO)

AI & ME: The Confessional and AI Ego (2023)

Halles 1 & 2

The Confessional est une expérience interactive au cours de laquelle les participant·es sont invité·es à s’installer dans une boîte noire évoquant l’atmosphère des interrogatoires policiers. Derrière un écran, une caméra capture les traits physiques et les expressions des personnes assises. Puis une intelligence artificielle analyse ces données avant d’émettre des opinions non censurées, tranchantes, parfois mêmes brutales. Ce dispositif interroge nos rapports aux technologies où la question des biais et des systèmes algorithmiques peuvent renforcer ou révéler nos propres préjugés.

AI Ego prolonge l’expérience en mettant en scène des participant·es plongé·es dans des scénarios surréalistes, générés par intelligence artificielle et projetés sur de grands écrans. Le dispositif agit comme un miroir - ou une déformation - de ce que nous pourrions être à travers les « yeux » de l’IA, imaginant les lieux que nous pourrions visiter. AI Ego questionne l’idée d’une vérité déclamée par la machine : un scénario divinatoire, dans lequel se façonne notre vision du monde et de nous-mêmes.

Daniela Nedovescu et Octavian Mot, connus sous le nom de mots, sont deux cinéastes et artistes transdisciplinaires roumains basés à Berlin. Ensemble, iels conçoivent des installations, séries web et films explorant avec ironie les comportements humains (Latent Spaces, 2022). Leurs œuvres, souvent interactives, sont des machines à révéler nos propres attitudes. Leur intérêt pour l’IA se nourrit d’une volonté de comprendre ses effets sur la société et ce qu’elle nous apprend sur nous-mêmes. Intégrées à la série AI & MeThe Confessional et AI Ego utilisent l’humour pour questionner l’image de soi, notre malaise face au regard d'autrui, et le rôle croissant de la technologie dans la construction de l'identité.

 

Cette installation peut heurter la sensibilité de certain·es visiteur.euses et est déconseillée aux mineur·es.

Artistes : mots (Daniela Nedovescu et Octavian Mot)
Produit par : mots & Zauberberg Productions GmbH

Albertine Meunier
(FR)

Qui est là ? (2024)

Galerie Open School Beaux-Arts Nantes Saint-Nazaire

L’installation Qui est là ? invite à découvrir une machine télégraphique détournée, permettant de générer en temps réel des images à partir d’un texte saisi par le public. Le dispositif évoque le principe du prompt, cette requête textuelle qui déclenche la création d’images via l’intelligence artificielle. Le clavier de cette machine, proche de celui d’une machine à écrire traditionnelle, comporte des touches atypiques dont une mystérieuse touche "Qui est là" présente sur l’appareil d’origine. Elle ferait écho aux échanges télégraphiques d’autrefois, nécessitant un opérateur humain à chaque extrémité d’une ligne. Aujourd’hui, cette touche semble convoquer une autre entité : une IA à la fois vaporeuse et spirituelle. Une formule d’appel médiumnique - "esprit, es-tu là ?” - soulignant la continuité technologique entre télégraphie et intelligence artificielle, et notre proportion à anthropomorphiser cette dernière. 

Pionnière des arts numériques et membre du collectif DataDada, Albertine Meunier explore depuis 1998 les potentialités créatives d’Internet. Elle en fait un matériau artistique, nourrissant une esthétique minimaliste, parfois “bricolée”, en marge de l’hyper-technicité numérique. Son travail interroge de manière critique les géants du web – Google, Twitter ou Facebook – et les transformations du monde qu’ils induisent. À travers des œuvres comme L’Angelino (2009) ou My Google Search History (2006-2022), trois livres compilant ses recherches personnelles sur Google, elle révèle une poétique des réseaux, intime et désopilante.

2024 – Albertine Meunier
Réalisé avec Bertrand Petit & Sylvie Tissot

Quentin Chevrier

Véronique Béland & Julie Hétu
(CA)

L’archéosténographe (2025)

Halles 1 & 2

Une machine à écrire préhistorique générant des mythes du futur.

L’installation L’archéosténographe met en scène une intelligence artificielle entraînée à inventer des mythes sur le futur de l’humanité, qu’elle restitue à l’aide d’une voix de synthèse. Tous ces récits sont simultanément transcrits par une sténotype - une machine à écrire phonétique - en une multitude de signes inspirés de l’art pariétal. Conçue à partir d’une grammaire développée par Julie Hétu, L’archéosténographe associe les 36 phonèmes de la langue française à des symboles paléolithiques. L’installation croise ainsi traditions orales et écritures premières, dans un geste poétique évoquant tour à tour de grandes découvertes comme la pierre de Rosette, qui permet de déchiffrer les hiéroglyphes, et notre désir ancestral de préserver les récits - y compris ceux à venir.

Véronique Béland mêle arts médiatiques et littérature pour interroger la machine comme entité créatrice et les phénomènes imperceptibles à échelle humaine. En s’appuyant sur les langages du numérique et l’intelligence artificielle, elle conçoit des dispositifs qui, bien que dénués d’intelligence propre, engendrent un imaginaire singulier (Haunted Telegraph, 2020 ; En sortie, le scientifique de l’espace, 2023). Par des protocoles de traduction entre art, science et archivage, ses œuvres ouvrent un espace alternatif de narration et de perception du monde. 

Julie Hétu est autrice et scénariste dont les œuvres sont influencées par ses recherches en anthropologie. Elle se passionne pour les différentes façons d’écrire et les premières écritures. Elle a notamment écrit L’écrivain préhistorique. Naissance du chant et de l’écriture dans la préhistoire (2020, éditions Nota bene) fruit de ses recherches dans la grotte de Niaux. 

Conception et réalisation : Véronique Béland et Julie Hétu
Programmation informatique : Léo Dubus
Conception mécatronique : Quentin Deyna
Ce projet est soutenu par le Conseil des arts du Canada.

Tega Brain & Sam Lavigne
(AU/US)

Synthetic Messenger (2021)

Halles 1 & 2

Synthetic Messenger est une installation détournant ironiquement les logiques économiques d’Internet pour valoriser l’attention portée au changement climatique. Chaque jour, 100 bots recherchent des articles liés au climat, les consultent et cliquent systématiquement sur les publicités qui y sont associées, afin d’en gonfler les métriques. Prenant la forme d’une forêt d’écrans, l'œuvre interroge la relation entre la crise environnementale et les modèles économiques des plateformes, alimentés par la publicité ciblée. Elle soulève une question essentielle : si les industries fossiles savent depuis longtemps que contrôler les médias, c’est influer sur le cycle du carbone, alors quel est le contre-pouvoir de l’art ? Avec ce hacking, détournant les codes des fermes à clic - ces usines à fabriquer des faux like - l’art devient un outil de géo-ingénierie critique, révélant comment les infrastructures de l’information façonnent nos conditions de vie sur Terre.

Tega Brain est artiste et ingénieure environnementale. Son travail aborde les questions d'écologie, de données, d'automatisation et d'infrastructures. Il prend la forme de réseaux numériques contrôlés par des phénomènes environnementaux (Solar Protocol, 2021-2024) ou de dispositifs d'obscurcissement des données personnelles (Cold Call, 2023). À travers ces systèmes, elle étudie comment les technologies orchestrent notre capacité d’agir. Sam Lavigne est artiste et enseignant professeur adjoint de médias synthétiques et de justice algorithmique à la Parsons School of Design à New-York. Son travail porte sur les données, la surveillance, le traitement du langage et l'automatisation. Il crée régulièrement des œuvres en collaboration avec Tega Brain, comme Perfect Sleep (2021), récompensé à Ars Electronica en 2022.