La valse a fait son temps... place à la pop indé !
À l'occasion de la soirée Stereotrip dédiée à la nouvelle scène indie-electro-pop viennoise, petit tour d'horizon de ce que la capitale autrichienne a à offrir en termes de musiques actuelles. C'est à dire beaucoup.
Gluck, Mozart, Haydn, Beethoven, Schubert, Brahms... La simple énumération de ces noms donne autant le tournis qu’une valse exécutée avec un peu trop d'entrain. Avec un tel patrimoine, la musique classique est logiquement omniprésente dans la capitale autrichienne, même quand il s'agit de décerner des prix de musiques actuelles, l'équivalent de nos Victoires de la Musique s’intitulant l'Amadeus Austrian Music Award !
Des effluves de classique, on en retrouve jusque dans les compositions d'artistes indé comme dans celles, souvent nappées d'arrangements orchestraux, de l'obsédante Soap&Skin, ou même dans les plages ambient d'un Fennesz. Deux exemples de Viennois (parmi peu d'autres...) s'étant frayé un chemin à l'international ces quinze dernières années. Mais les choses semblent se décanter depuis peu avec l'apparition d'une nouvelle scène qui assume de plus en plus une certaine légèreté, loin de l'introspection chère aux deux artistes précités.
C'est le cas de la parfaite équipée qui débarque pour une soirée Stereotrip à Stereolux ce 8 novembre : le girl band indie-pop-garage Dives et les duos Leyya et Cari Cari, l'un électro-pop décomplexée, l'autre pop-psyché multiréférencé. Des groupes qui assurent ici la seule date française de leurs tournées internationale (Dives), voire foulent pour la première fois le sol hexagonal (Cari Cari - Leyya). Et on leur prédit un bel avenir à l'export. Parce que, au-delà de leurs qualités artistiques évidentes, ces trois-là ont opté pour la langue anglaise ? Peut-être... Quoi qu'il en soit, se pencher un tant soit peu sur la (trop) discrète nouvelle scène indé viennoise, c'est en ressortir automatiquement quelques perles.
Du côté de ceux qui préfèrent la langue de Goethe à celle de Shakespeare (ou mélangent les deux), on a un gros faible pour Der Nino Aus Wien (pas seulement parce que son blase nous arrange bien pour illustrer notre article...) et son folk habité voisin de celui d'un Bright Eyes. Ou encore pour Kreisky, dont la fougue n'a rien à envier à celle des cousins britanniques Franz Ferdinand ou Arctic Monkeys. Et surtout pour Ja, Panik, formation indie pop parfaite, mêlant évidence mélodique et songwriting à la morgue digne d'un Dylan.
iTunes pour résister
Des groupes aux univers variés que seule l'envie d'évasion semble réunir (impossible de les deviner Viennois), même quand ils chantent dans leur langue maternelle. Et on les comprend, quand on prend le pouls politique du pays, dirigé par une coalition droite / extrême droite, même si on aimerait qu'il n'y ait pas qu'un chanteur de 66 ans pour s'engager ouvertement contre celle-ci. En août dernier, la légende de l'austropop Wolfgang Ambros s'est faite insulter par le parti FPÖ, après avoir dénoncé ses affinités fascisantes. Par solidarité, ses fans ont téléchargé massivement son tube de 1976, Schifoan, pour le hisser en tête des ventes iTunes.
Ceci étant dit, il est tout à fait possible de visiter Vienne en faisant l'impasse sur la Ballhausplatz, où réside le chancelier fédéral, et en préférant arpenter les nombreux clubs indépendants qui parsèment les rues. Pour cela, le plus simple est sans doute de prendre ses places pour le festival Waves Vienna qui se déroule chaque automne dans les clubs tendances de la ville (au Fluc+Fluc, au Flex...). Cette année, on y retrouvait des artistes locaux comme les excellents Mile Me Deaf (l'un des meilleurs groupes viennois, qui a eu droit à son Amadeus en 2013) ou nos fameux Dives... Mais aussi les doux dingues anglais de The Go! Team, les ténébreux folkeux américains de Paramount Styles, les post-rockeurs polonais de Trupa Trupa, les divins popeux suédois de Holy Now, ainsi que des conférences sur l'industrie musicale des deux pays étrangers invités (Slovaquie et Portugal). Un joli pied de nez à la politique protectionniste du gouvernement, par un festival dont la devise est "East meets West". Pour sûr, pas le slogan du FPÖ.
Par Matthieu Chauveau