Le punk, une rébellion constructive
Quand le punk est apparu, beaucoup de choses furent remises en question, les mentalités et façons de faire changèrent souvent radicalement…
L’arrivée en ordre dispersé du punk, en 1976-1977 et pendant les deux ou trois années qui suivirent, a d’abord été celle d’un rock d’arrière salle, corrosif, provocateur, correspondant aux attentes et au langage d’adolescents qui ne se retrouvaient pas dans ce qu’on leur proposait à l’époque ; c’est-à-dire une musique déconnectée des réalités, jouée par des « vieux » chevelus fascinés par la technique ou par une perfection vide de sens.
Do it yourself
L’apparition débraillée des Sex Pistols ou de The Clash fit naitre chez beaucoup de ceux qui venaient de les découvrir une envie d’activisme artistique immédiat, de Do it Yourself instinctif et de mise à mal des anciens schémas jusque-là en vigueur.
Avec leurs premiers pas discographiques, souvent limités à un petit 45T enregistré à la va-vite (le lo-fi était déjà entrain de naître), des groupes, pas tous évidemment, formés dans la dynamique et l’urgence du moment ne cherchèrent pas à signer avec une maison de disques déjà existante ou à rentrer dans le système autiste et poussiéreux du music business. La démarche était alors totalement nouvelle, révolutionnaire, elle bouscula profondément les règles, les mentalités. Si elle est depuis devenue courante, voire logique, à l’époque elle ne l’était pas du tout.
Autonomie et ennui
C’est ainsi que les Buzzcocks, à Manchester, avec seulement 500£ empruntées à leur entourage, parvinrent à financer leur premier 45T quatre chansons, le désormais légendaire « Spiral Scratch », ouvrant ainsi la voie à l’autoproduction et au rock alternatif qui allait dans les décennies suivantes se faire entendre de façon large. L’attitude transforma en profondeur la manière de faire mais aussi de penser et de diffuser sa musique. Les Buzzcocks parlaient dans leurs chansons de résignation et d’ennui dans les grandes villes ; des thèmes qui collaient à l’ambiance d’une Angleterre, qui ne s’était pas remise du choc pétrolier de 1973, alors en grave crise financière et sociale.
Indépendance
Prenant le relais des initiatives isolées de nouveaux groupes autoproduits, de nombreux labels indépendants se créèrent ensuite, souvent avec trois fois rien, produisant artisanalement des myriades de disques distribués via le vaste réseau de disquaires, eux aussi indépendants, qui existait alors.
Certains de ces labels, nés au moment du punk ou du postpunk, Rough Trade, Mute ou Beggars Banquet, sont devenus les piliers des différentes scènes indie qui se succédèrent par la suite. Quarante ans après leur débuts fauchés, ils sont toujours au centre de l’activité musicale et sortent les albums d’Adele (Beggars Banquet) ou de Nick Cave (Mute) tout en continuant de tendre l’oreille vers ce qui s’agite aujourd’hui dans l’underground et l’alternatif.
And so what ?
Le punk aura donc considérablement transformé le paysage sonore, mais aussi visuel ; puisque les premiers enregistrements bricolés étaient souvent accompagnés de graphismes DIY qui l’étaient tout autant.
Le punk aura aussi révolutionné le live….Ce fut la scène hardcore américaine du tout début des années 1980 qui déblaya d’abord le terrain : les groupes qui lui étaient associés se produisant dans des villes et des lieux où personne n’avait jamais osé jouer auparavant. Des réseaux s’organisèrent et le rock indépendant dans son ensemble et dans sa diversité profita par la suite des circuits mis en place par Black Flag, SST records, ou Alternative Tentacles des Dead Kennedys, pionniers à message politique fort (Ronald Reagan avait été élu président des USA en 1981) partis à l’assaut d’un territoire au départ plutôt hostile et pas évident à conquérir.
Le No Future aura donc eu un avenir solide et déterminant, le présent lui doit beaucoup…
Eric Tandy
Journaliste, conférencier (Rolling Stone, Politis, le Monde Diplomatique, parolier des Olivensteins).