Rencontre avec Jingqi Yuan
Dans le cadre de l’accompagnement à la professionnalisation d’artistes émergent·es issu·es des écoles d’art du territoire du programme Ambivalences, nous avons rencontré les différent·es lauréat·es du parcours : Jingqi Yuan, Lorène Plé et Lukas Persyn.
Les interviews de Lorène Plé et Lukas Persyn seront à retrouver sur station-mir.com et electroni-k.org .
Ton parcours
Peux-tu te présenter, puis caractériser ta pratique artistique en quelques mots-clés ?
Je suis Jingqi YUAN, artiste chinois, je me suis récemment installé dans une petite ville à côté du Mans pour me rapprocher de la nature. Diplômé en arts plastiques à l'Université Paris 8, j'ai ensuite obtenu mon DNSEP à TALM-Le Mans en 2023.
Je me définis comme un artiste "mixed media" car je ne me limite pas aux matériaux. Ma création s'articule autour d'une perspective “anti-anthropocentrée”. Habituellement, nous considérons la nature comme un contexte ou une ressource. Je cherche à construire un écosystème numérique sans présence humaine, mais en préservant des traces de son existence. L'humain n'est plus au centre de la narration. Mon travail explore comment trouver un "super lien" pour mélanger différents espaces : créer un équilibre dynamique entre l'objet numérique et la nature, la géométrie et sa mutation, le chiffre strict et la possibilité aléatoire.

Quelles sont tes principales sources d’inspirations ?
Je m’inspire des formes biologiques et des structures naturelles, mais aussi du "worldbuilding mode" des jeux vidéo : un monde fictif mélangeant texte, code, mythologie, règles et simulation.
Un moment marquant dans ton parcours artistique ?
Durant mes études de journalisme, j'ai progressivement développé une fascination pour l'image, mais le véritable déclic s'est produit quand j'ai commencé à explorer différents médiums pour l’exprimer. J'ai réalisé que l'image n'était pas seulement une représentation bidimensionnelle, mais qu'il était crucial de comprendre comment elle est présentée et vécue dans l'espace. Cette prise de conscience m'a finalement guidé vers les arts numériques, m’ouvrant la porte des expériences spatiales hybrides et multidimensionnelles.

Des collaborations marquantes ?
Le projet Matière Vive a été particulièrement riche en collaborations. Il m’a permis d’élargir mon réseau professionnel, et de mieux comprendre comment résoudre les problèmes pratiques des artistes indépendants (par exemple, le système fiscal français ou encore le traitement administratif…). Grâce à ce projet, j'ai rencontré de nombreuses personnes du secteur artistique, avec qui je peux échanger des idées et des expériences de vie.
Un projet emblématique de ta démarche?
Retourner à la graine (série actuelle) est une série de créatures vivantes imaginaires, inspirées par des formes biologiques. J'utilise des outils numériques pour « cultiver » ces créatures, fabriquées ensuite par imprimante 3D.
Comment la création en environnement numérique nourrit-elle ton propos artistique ?
“JARDIN”, j’aime bien ce mot. Je considère le monde et l’environnement autour de moi comme un jardin. Dans cet espace limité, nous nous affairons pour construire une nature hybride, fictive et artificielle.
La création en environnement numérique est extrêmement fascinante. D'un côté, elle s'appuie sur une approche très logique et rigoureuse pour reproduire certains éléments du monde réel. De l’autre, elle a la liberté de combiner différents matériaux et éléments. Je peux ainsi construire des mondes en utilisant des paramètres géométriques stricts et une logique numérique, tout en introduisant de l’aléatoire et des possibilités de transformation.
La technologie n'est qu'un moyen et non un but, elle m'aide à créer un monde fictif, un monde hybride.

Que souhaites-tu susciter chez les publics ?
J'aimerais que le public puisse vraiment se concentrer sur nous, le monde dans lequel nous vivons et notre façon de nous connecter à ce monde, notre imagination.
Je souhaiterais inviter le public à repenser la relation entre l'humanité et le monde et à sortir d'une logique anthropocentrée. Le laisser explorer le "jardin" que je construis, en ressentent l'équilibre subtil entre numérique et organique, logique et aléatoire, existence et traces.


Ambivalences
Que t’apporte le programme accompagnement des artistes émergent·es d’Ambivalences ?
En tant qu'artiste originaire de l'étranger, j'ai besoin de rencontrer d’autres artistes, notamment dans la création en environnement numérique. Stereolux m’apporte déjà un précieux soutien à Nantes. Mais Ambivalences est, à mes yeux, un levier pour approfondir les échanges et collaborations avec mes pair·es, pour élargir mes perspectives de diffusion et enfin, pour bénéficier de soutiens techniques dans ma pratique créative.
Je pense que chaque artiste a un point d'ancrage, surtout quand il commence à s'intégrer dans l'écosystème artistique et local. Nous avons des backgrounds culturels, des environnements créatifs et des modes de pensée différents. La diversité de nos rencontres crée ainsi de nouvelles inspirations et de nouvelles possibilités de création.

Et après ?
Je suis en train de finaliser mon projet « Retourner à la graine ». Une partie de cette série est actuellement exposée à Nantes.
Est-ce qu'il y a des personnes avec qui tu aimerais collaborer ?
Je maintiens toujours une attitude ouverte envers la collaboration. Que ce soit des collaborations interdisciplinaires avec d'autres artistes, ou des coopérations avec des experts techniques, des curateurs ou des professionnel·les de différents domaines, tout m'intéresse beaucoup. Je crois que les rencontres entre différents backgrounds et spécialités peuvent apporter de nouvelles perspectives et possibilités à ma création, particulièrement dans l'exploration de la création hybride entre numérique et naturel, technologie et formes biologiques.
Grâce à des projets comme “Matière Vive”, j'ai déjà expérimenté la richesse du travail en collectif et de la construction de réseaux, j'espère pouvoir continuer à développer de telles opportunités de collaboration.
Retrouvez son travail :