Le code créatif du labo arts & techs fête ses 10 ans - interview

Le Code Créatif du Labo de Stereolux fête ses 10 ans ! D'abord appelé le "Patching Circle" en référence à la communauté New-Yorkaise du logiciel Pure-Data, ce rendez-vous hebdomadaire a réuni (et réuni encore !) des passionné·es de création numérique et de code créatif qui souhaitent expérimenter ensemble. En attendant le samedi 03 décembre pour fêter cet anniversaire, retour sur cette décennie d'ateliers participatifs avec Bérenger Recoules, Maël Pinard et Martin Cailleau.

"Nous avons vite évoqué [...] la possibilité de créer un format pour se retrouver et partager autour du code et de la création artistique avec le plus grand nombre : professionnel·les, amateur·ices, chercheur·euses etc."

 

Session du Code Créatif, 2018

1. Bérenger, Maël, Martin : Pouvez-vous vous présenter et nous décrire le rôle que vous avez joué dans les sessions du Code créatif ?

Bérenger Recoules : Je suis Bérenger Recoules, après des études en musicologie, en ingénierie et en psychologie cognitive, je me suis lancé en freelance dans l'écosystème créatif nantais; depuis 2017 j'ai rejoint l'École de Design Nantes Atlantique dans laquelle j'officie en tant que responsable de l'atelier numérique - qui est un espace dédié à l'expérimentation et à la création numérique. En tant qu'acteur de la scène créative nantaise à cette époque - la création de Stereolux en 2012 - nous nous sommes retrouvés à plusieurs à occuper les studios de création du Labo Arts et Technologies. Les discussions aidant nous avons vite évoqué avec Lucile Colombain (responsable du laboratoire à l'époque) et Maël Pinard (régisseur du Labo) la possibilité de créer un format pour se retrouver et partager autour du code et de la création artistique avec le plus grand nombre : professionnels, amateurs, chercheurs etc.

Maël Pinard : J'ai travaillé à Stereolux de 2010 à 2015, en tant que régisseur multimédia et réseaux. J'ai participé à l'élaboration du Patching Circle /Code Créatif avec Bérenger et Lucile Colombain. Lucile nous a soutenu à développer une communauté qui réunissait créatif·ves et codeur·euses. Je m'occupais de préparer les sessions avec Berenger. C'est-à-dire, accueillir les participant·es et fournir le matériel ainsi qu'un accompagnement technique lorsque je le pouvais. Les sessions du Code Créatif ont permis de développer la communauté du Laboratoire Arts et Technologies qui venait de se monter, et de soutenir la création au niveau local.

Martin Cailleau : Martin Cailleau, co-fondateur du studio Jellyfox, concepteur de jeux vidéo, développeur et graphiste 3D. J’ai commencé à participer aux sessions en 2012 quand j’étais étudiant. Les sessions s'appelaient le "Patching Circle". J’y ai découvert beaucoup d’outils et de passionné·es d’arts numériques. Puis en 2016, avec d’autres participant·es, j’ai monté un projet de jeu vidéo scénographique (Jukebox Insider), un mélange entre un spectacle son et lumière, du vidéo mapping et du jeu interactif. Nous avons alors travaillé autour de ce projet à chaque session avec l’aide du Labo, qui nous mettait à disposition le matériel nécessaire (vidéoprojecteur, lumières DMX, écran géant, machine à fumée…) En 2018 a eu lieu l'exposition [Exposition Jukebox Insider] en salle Maxi. C’était une très belle expérience et je remercie toutes les personnes qui y ont pris part. Maintenant, j’ai rejoint l’équipe du Labo pour accompagner techniquement et conseiller les participant·es.

Exposition Jukebox Insider à Stereolux en 2018. Fumigène, mise en scène sonore et lumineuse, Jukebox Insider dépasse le jeu vidéo individuel pour devenir un spectacle conçu pour être joué devant un public. Photos : Emmanuel Gabily.

2. Retour en 2011-2012. Qu'est-ce qui a fait germé ce rendez-vous hebdomadaire du Patching Circle, nom initialement donné aux sessions du Code créatif ? 

"On a eu comme souhaits de créer des émulations et des rencontres entre créatif·ves, plasticien·nes, codeur·euses, designer·euses, musicien·nes, curieux·ses... Et de faire de ces sessions des moments d'échanges et d'expérimentation."

B.R. : Le Patching Circle est à la base un rendez-vous hebdomadaire qui se pratique dans la communauté New-Yorkaise du logiciel Pure-Data. L'idée étant que "nous" (artistes, membres de la communauté) passions suffisamment de temps seuls dans nos bureaux à travailler sur nos programmes et créations sonores et visuelles et qu'il serait probablement intéressant de faire la même chose dans la même pièce pour partager, échanger, s'entraider.

Première édition des Journées du Code Créatif, 2012

Le terme "patching" fait écho à la programmation visuelle : aux boîtes que l'on relie entre elles par des câbles virtuels pour combiner leur fonctions. C'est la base de nombreux environnements de programmation actuels : Pure-Data, Max MSP, vvvvv, gamma, touch designer, cables.gl, mais aussi houdini ou blender et bien d'autres encore. Finalement, nous ne nous sommes pas réduits à ce type de langage et avons abordé le code comme outil de création d'une manière plus large en passant par processing, p5js, openframeworks ou encore arduino.

M.P. : En 2011-2012, je travaillais principalement sur les projets du Laboratoire Arts et Technologies et du festival Scopitone. J'étais en lien direct avec les artistes et codeur·euses qui venaient utiliser les nouveaux espaces de création situés au R+4. Au cours de l'année, ont a constaté qu'il fallait montrer cet espace de création au public, du moins sur un créneau dans la semaine. Cet équipement au 4ème étage de Stereolux n'était pas vraiment visible, ni accessible. On avait envie d'ouvrir ce nouvel équipement plus largement, et de créer un espace d'échange autour de la création numérique. On a eu comme souhaits de créer des émulations et des rencontres entre créatif·ves, plasticien·nes, codeur·euses, designer·euses, musicien·nes, curieux·ses... Et de faire de ces sessions des moments d'échanges et d'expérimentation.

 

3. Quels ont été les premiers outils/projets des sessions ?

Minitel RaspberryPi photographié lors du Web2day de 2014

B.R. : C'est assez compliqué de répondre car de multiples projets, expérimentations ont été esquissés et n'ont jamais vu le jour. Les premières années il n'y avait pas d'organisation autour de projets, mais surtout du partage : montrer ce que l'on fait, faire tester à d'autres, montrer / expliquer des projets personnels et recueillir des avis, des impressions. Au tout début, nous tournions beaucoup autour de Pure-Data, Max/MSP, VVVV, processing et arduino. Le Raspberry PI est arrivé et un des premiers projet à "sortir" a été le hacking d'un minitel avec ce micro ordinateur à moins de 50€. Il a été porté par Maël et Xavier Seignard : il a fallu être capable d'utiliser l'écran et le clavier du minitel pour au final faire fonctionner de mini-créations visuelles dans l'esprit des fameuses démo de la demoscene - puisque dans un environnement très contraint à l'époque - pour le Web2day.

M.P. : À l'époque, le minitel venait d'être coupé, l'objectif était de modifier la machine pour la connecter à nouveau au réseau. On a hacké le clavier et recréé une carte vidéo pour utiliser l'écran d'origine, installé un Raspberry PI à l'intérieur et connecté le tout à internet.
 

"Plus que des événements, je garde surtout en mémoire des rencontres humaines marquantes, des liens que l'on a pu tisser avec certain·es participant·es." 

 

4. Gardez-vous en tête un ou plusieurs événements marquants ?

Apéro du Code Créatif, 2018

M.P. : Plus que des événements, je garde surtout en mémoire des rencontres humaines marquantes, des liens que l'on a pu tisser avec certain·es participant·es. Je pense à Irwin, aka Clone, installé à Shanghai depuis un moment, et qui a créé son agence et enseigne à l'Université. Il y a aussi Vince, développeur installé en Nouvelle-Zélande, au pays des volcans, ou encore Laurent La Torpille qui était quasiment résident du R+4 ! il est devenu "l'artiste de Stereolux" lors des visites officielles pour la promotion du lieu à ses débuts ! [ndlr : le travail de l'artiste L. La Torpille s’oriente vers des recherches plastiques qui placent l’individu et les nouvelles technologies au cœur des processus de création. Il réalise des environnements dynamiques, privilégiant les manipulations en temps réel de l’image et du son et leurs interactions.]

Bubble Story, installation pour tout-petits de l'artiste Laurent La Torpille (2012). Photo : Carole Humeau

M.C. : Je garde évidemment en tête toute la période d’émulsion autour du projet Jukebox Insider. Mais aussi les apéros du code créatif avec les présentations d’autres projets.

B.R. : Les événement ouvert au public ont toujours été des événement marquants. J'ai eu la chance de pouvoir travailler avec l'équipe de Stereolux à l'organisation des Journées du Code Créatif, et j'avoue que la première dédiée à Pure-Data a été très particulière pour moi puisque nous avons pu faire venir Miller Puckette [ndlr : directeur associé du centre de recherche en arts et informatique de l'université de San Diego, Californie. Il est le créateur du logiel Max et de Pure Data] ainsi que de nombreux acteur·ices majeur·es de la communauté. Nous avons également participé aux tests d'Egregore de chdh, et je me souviens de la performance réalisée à distance pendant les sessions. Il reste maintenant à imaginer les 10 prochaines années pour rencontrer de nouveaux créateur·ices, découvrir de nouveaux outils et monter de nouveaux projets !

Conférence de Miller Puckette à Stereolux le 29 mars 2012
 

Merci à Béranger, Maël et Martin pour leurs réponses.