Tbilissi, le “Far East” de l’electro

A l’image de la Géorgie dont elle est la capitale, Tbilissi est une beauté méconnue - accueillante mais parfois austère - qui mérite largement l’intérêt des visiteurs étrangers. Cette ville et son quelque million de têtes a plus d’un atout notamment en matière de création artistique. Une scène musicale y foisonne depuis quelques années, au point d’en faire, après le Berlin des années 90, le “Far East” de la musique electro.

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Tbilissi la multiculturelle reste sclérosée, pourtant…

Quelque part dans le Caucase, pas très loin des plus hautes cimes d’Europe, la cité multi-séculaire de Tbilissi joue le rôle de trait d’union entre Orient et Occident. Elle est une étape incontournable des échanges d’hier et aujourd’hui. Convoitée par les puissances voisines - l’ogre russe en pôle position - elle fut occupée à maintes reprises. Tbilissi la multiculturelle n’en restera pas moins sclérosée par une idéologie conservatrice (voire répressive, par exemple pour la consommation de stupéfiants). Ses trois dernières décennies la ville connaît pourtant une mutation économique et sociale fulgurante, marquée par des dates historiques : d’abord en 1991 avec la chute soviétique puis en 2003 avec la Révolution des Roses (mouvement citoyen qui entraînera le renversement du gouvernement) ou en 2008 pendant l’invasion de l’armée russe.

Jeunesse et minorités convaincues de la nécessité d’inventer des espaces d’expressions libres

Quelques années après ces violents événements, les jeunes de 18 à 35 ans se grisent enfin d’un vent de liberté. Cette nouvelle génération, ouverte et hédoniste, remplace peu à peu une population autochtone bourrue, décrite 150 ans auparavant par Alexandre Dumas dans Voyage au Caucase. La jeunesse en quête d’une nouvelle identité et les minorités stigmatisées sont convaincues de la nécessité d’inventer des espaces d’expression libre. Les nombreuses friches qu’offre la ville sont un parfait terrain de jeu. Galeries d’art, tiers-lieux, sound systems et clubs ouvrent un peu partout et exorcisent le relent des temps anciens.

Le séisme bouscule désormais tous les genres musicaux

Une fois encore la musique prouve qu’elle a ce pouvoir incroyable de fédérer les luttes sociales : préservation de l’environnement, défense des droits LGBT et ceux des femmes apparaissent dans les cercles artistiques de la capitale. Des activistes développent des projets grandioses comme le désormais célèbre Bassiani Club installé sous le stade de football de l’équipe nationale. D’autres clubs comme Fabrika, Spacehall, Cafe-Gallery ou le très dynamique Khidi (des DJS comme OTHR ou Liza Rivs y sont résidents), font battre le coeur de la ville, attirant de plus en plus de musiciens internationaux et favorisent l’essor d’une scène locale talentueuse comme Nikakoi, Kordz, TeTe Noise ou Vazhmarr. Initié par une première vague techno - est-ce si étonnant quand on connaît les racines militantes de cette musique ? - le séisme bouscule désormais tous les genres musicaux. De la house à l'indie rock, avec notamment de belles révélations comme Bedford Falls ou Eko & Vinda Folio, jusqu'au hip-hop où le groupe KayaKata assure le buzz du moment.

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Le Bassiani Club

Et il faut croire que la fièvre electro est devenue contagieuse puisqu’elle a d’abord fait naître le GEM, festival de référence en la matière, à quelques centaines de kilomètres de Tbilissi et le Digital Tbilissi. Ce tout nouveau festival proposera des passerelles entre créations numériques, visuelles et sonores. Une initiative tout à fait originale dans cette région du monde et qui montre la porosité naturelle entre l’electro et les autres disciplines artistiques. 

Par Adrien Cornelissen