Article rédigé par Théo Garçon (DYPE)
Depuis les années 2000, les sonorités électroniques se diffusent dans les genres musicaux, donnant parfois naissance à des propositions hybrides qui viennent renouveler des habitudes de production. En repoussant les frontières de la musique, ces nouvelles sonorités interrogent les limites d’une musique qui se redéfinit sans cesse avec des artistes comme DJ Mehdi et ses productions pour le 113 ou les expérimentations des groupes La Caution et TTC. Une évolution qui s'est particulièrement manifestée dans la pop, où elle s'impose aujourd’hui comme une tendance majeure, en résonance avec les émotions d’une jeunesse en quête d’authenticité.
Il semblerait que les mélodies entraînantes soient le meilleur moyen pour raconter des histoires mélancoliques. Ce qui est sûr, c’est qu’il est plus simple de cacher une tristesse derrière un sourire. Et c’est par une proposition musicale plus sincère et introspective qu’une artiste comme Anaïs MVA se dévoile à travers une écriture thérapeutique. Son dernier projet Remède aborde des thèmes comme l’amour, la violence et la reconstruction de soi ; elle évoque de manière sensible les troubles alimentaires sur le morceau XS. Aujourd’hui, les mœurs évoluent, et cette sincérité s’inscrit parfois dans une démarche de réappropriation d’une parole bien souvent monopolisée par un certain type de narrateur·ices. Cette libération de la parole a été possible, ou du moins a été accélérée, par le mouvement MeToo à partir de 2017. Certain·es artistes saisissent cette ouverture pour exprimer les causes et sujets qui leur sont cher·es. On peut citer Yoa, qui, à l’occasion de sa prestation dans les studios de Colors, interprète le morceau Le collectionneur dans lequel elle adresse un message particulier à son agresseur : « Mais qu’est-c’qu’elle aurait dit ta mère si elle te voyait faire du mal aux filles autour de toi ? ». Cette réappropriation permet d’extérioriser des traumatismes, comme le raconte Miki sur le morceau cartoon sex : « J'ai un prof de tennis qui m'a touché là où fallait pas, depuis j'suis un peu ping-pong ding-dong ». Malgré ses airs légers, ces paroles prennent une profondeur particulière.
Les productions s’accordent aussi à donner une touche de légèreté à la sincérité des textes. Dans les crédits de La Favorite, dernier projet de Yoa, on retrouve Olivia Merilahti du groupe The Dø, qui a participé à plusieurs de ses morceaux. Dans les autres collaborateur·ices, on peut citer la chanteuse Iliona, qui, bien qu’elle ne figure pas en tant qu’interprète, participe à la composition du morceau éponyme du projet. Cette maîtrise de la chaîne de production permet de garantir une cohérence artistique et une liberté d'expression sans contrainte. La plupart de ces interprètes s'impliquent dans la réalisation de leur musique. C’est le cas de Miki qui travaille en grande partie avec Tristan Salvati - un producteur réputé pour son travail aux côtés d’Angèle et de Julien Doré. Les morceaux de Miki se transforment comme un terrain de jeu pour déployer un humour mordant avec une sensibilité brute, créant ainsi une alchimie musicale qui lui est propre. La chanteuse Arøne semble aussi être une grande partisante d’un métissage sonore, mêlant rap, électro et R’n’B. Liant une écriture profonde avec une musique dansante, elle s’est distinguée par des morceaux hybrides comme + en +, mauvaise nouvelle ou garder le sourire. L’alchimie de tous ces ingrédients offre à ces artistes une occasion de maximiser les émotions, c’est ici que se situe toute la puissance de leur musique
Ces créations s’inscrivent à un carrefour où les codes ne cessent de changer. Avec l’essor des plateformes de streaming et des réseaux sociaux, ces nouveaux·elles artistes ont en main tous les outils pour réussir leur carrière artistique. Alors que l’on reste dans sa chambre ou derrière son piano, il nous suffit de pas grand-chose pour trouver une audience. C’est par exemple depuis chez elle, filmée avec son téléphone, que la chanteuse Zélie a pu présenter ses nouvelles explorations musicales. Cette nouvelle manière de publier ses créations donne aussi une occasion au public d’être spectateur·rice des ficelles qui dessinent une carrière. Que ce soit par des archives ou des expérimentations, les artistes d’aujourd’hui ne sont plus présenté·es dans une forme définie. Dessinant ainsi un univers visuel qui lui est propre, Miki garde une énergie chaleureuse. Elle propose des clips aux allures spontanées, tournées dans une voiture pour cartoon sex ou devant un restaurant Buffalo Grill pour échec et mat.
Bien que la plupart de ces artistes se soient davantage impliqué·es dans leur musique depuis la pandémie, cette période d’isolement est maintenant révolue. Place aujourd’hui aux performances scéniques qui viennent sublimer leurs textes. Après avoir remporté le prix de la "Révélation scène" aux Victoires de la musique de 2025, la chanteuse Yoa aura l’occasion de se présenter le 18 avril prochain à Stereolux. Miki, elle, poursuivra une tournée quasi complète en s’arrêtant à Nantes le 11 avril à Stereolux, dans le cadre du festival Nouvel Orage.