Les conséquences écologiques provoquées par l'Humanité, nous remémorent notre fragilité face aux forces de la Nature. Si les promesses techno-solutionnistes et les fables d’un monde fantasmé n’y font rien (Marie-Julie Bourgeois, Homogenitus / Maxime Berthou, Paparuda), les artistes se sont emparé·es des technologies pour éveiller les consciences de façon poétique. Tantôt en soulignant le caractère immémorial du Vivant (Clément Edouard et Pierre Warnecke, Flux), tantôt en évoquant les conséquences de l’intervention humaine sur le cycle de la Nature (Vivien Roubaud, Salsifis douteux). Et de ce chaos, surgit parfois une beauté sauvage, une force brute, quasi mystique qui rappelle la vitalité et la résilience du Vivant (June Balthazard et Pierre Pauze, Mass ).
Marie-Julie Bourgeois (FR)
Homogenitus (2024) | Création
• Halles 1 & 2
Classifiés dans l’Atlas International des Nuages par l’Organisation Mondiale de la Météo, les homogenitus sont des cumulus générés par les activités humaines. Issue d’une recherche débutée en 2021, l’installation inédite Homogenitus explore cette idée à travers un dispositif interactif permettant la production de nuages à la demande à partir d’une application mobile. Le public peut modéliser son propre nuage, choisir sa forme et sa composition en fonction des données météo locales.
Les utilisateur·rices de la machine à nuage génèrent ainsi un microclimat et deviennent des apprenti·es géo-ingénieur·es. Homogenitus souligne les contradictions et les paradoxes au sein de nos idéologies technologiques : Comment le green washing, les bonnes intentions et les innovations peuvent aboutir à un potentiel désastre écologique ?
Marie-Julie Bourgeois est artiste numérique et designer. En 2018, elle soutient un doctorat en esthétique, sciences et technologies des arts sur les “Fictions solaires : les dispositifs qui simulent les comportements de la lumière du Soleil” à Paris 8/EnsadLab. Elle enseigne à l’Université de Paris-Saclay et a cofondé le CondéDesignLab à l’École de Condé à Paris. Ses travaux questionnent les enjeux climatiques et notre rapport au technosolutionnisme (Parallèles II, 2015 ; Silence, 2019…). Ses œuvres ont été présentées dans plusieurs lieux et événements (L’Ososphère à Strasbourg, la Biennale Némo à Paris ou la Biennale Art-Science de Grenoble).
Les artistes présenteront leur travail lors des Miniconférences de Scopitone, le vendredi 20 septembre à 18h30 au Bras de Fer (20 Bd de la Prairie au Duc) :
Les Miniconférences de Scopitone 2024
Équipe artistique : Marie-Julie Bourgeois (DA et design), Roland Cahen (Composition sonore)
Équipe technique : Quentin Deyna (Mécatronique), Luca Dussouchaud (interface), Martin Saëz (Programmation sonore).
Production : CrossedLab
Partenaires : la Scène de Recherche, La diagonale Paris-Saclay
Voir aussi
Maxime Berthou (FR)
Paparuda (2009-2012)
• Halles 1 & 2
Paparuda tire son nom d’un rituel de pluie païen d’Europe de l’Est mais aussi d’un incident géopolitique datant de 1946. A l’époque, les Etats-Unis durent faire face à une violente sécheresse et rependirent dans le ciel américain plusieurs kilos d’iodure d’argent. La manœuvre déclencha une pluie salvatrice mais eut des conséquences inverses sur une région du Canada. Si les nuages sont un rouage essentiel dans le cycle de l’eau, ils ne sont pourtant protégés par aucun statut juridique légal.
En 2011, Maxime Berthou exécute une performance avec un dispositif similaire et retrace toute sa démarche dans un film. 15 ans après, les questionnements abordés par l’artiste sont plus que jamais d’actualité : Comment les nuages seront-ils perçus par les générations futures ? Doivent-ils être considérés comme un bien commun ou une ressource économique ? Peuvent-ils être dotés d’un statut juridique ? Poussant la métaphore à son paroxysme, Paparuda se matérialise, également dans un projet d’économie parallèle où l’artiste invite à financer des initiatives durables avec un “Cloud NFT” valorisé selon une certaine quantité d'eau potable.
Maxime Berthou est diplômé de l'Ecole supérieure d’art d’Aix-en-Provence avant d'intégrer le Fresnoy Studio National des Arts Contemporains puis de suivre une formation pré-doctorale aux Arts Décoratifs de Paris. Sa pratique artistique consiste à réaliser des essais cinématographiques à partir de gestes performatifs comme dans plusieurs longs métrages Southwind (2022) ou Soutien de Famille (2022) réalisés avec Mark Pozlep. Quelle que soit la forme de ses créations, l'intention reste la même : celle de partager des enjeux complexes et indicibles. Maxime Berthou a été lauréat de la Fondation Andy Warhol et de la Villa Albertine en 2021.
L’artiste présentera son travail lors des Miniconférences de Scopitone, le vendredi 20 septembre à 18h30 au Bras de Fer (20 Bd de la Prairie au Duc) :
Les Miniconférences de Scopitone 2024
Monsieur Moo / Maxime Berthou
Clément Edouard et Pierce Warnecke (FR/US)
Flux (2021-2022)
• Halles 1 & 2
Flux est une installation cinétique composée de roches suspendues mises en mouvement par un mécanisme simple. Cette œuvre de Pierce Warnecke et Clément Édouard raconte l’histoire d’un cours d’eau disparu. Par des jeux de mouvement, de lumière et de son, la roche révèle ici la mémoire que l’eau lui a laissée et retranscrit sa fluidité, sa vitesse et le parcours qu’elle a entamé du haut d’une montagne jusqu’à la mer. Les pierres, le tracé topographique et les matières sonores, prélevés dans la rivière le Chassezac (principal affluent de l’Ardèche) deviennent les matériaux d’une subtile narration. Flux propose une compression spatiale et temporelle de la relation entre eau et roche, du granite des cimes au sable des deltas. Cette œuvre invite à une expérience sensible et imaginaire, soulignant l’interdépendance entre l’humain et le milieu ambiant.
Compositeur, artiste sonore, Clément Edouard s’intéresse à la manière dont le son perturbe nos états de conscience et modifie notre rapport aux lieux, aux temps, à tout ce qui nous entoure. Il crée des dispositifs sonores immersifs, qui relie matière, humain et sensible, dans un temps de rencontre et de transformation. Sa création SEUIL (2022), présentée à Stereolux en mars dernier, nous invite à visiter un entre deux mondes, plateaux vibrant, respiration lumineuse, hexaphonie et ensemble vocal nous accompagne vers un état hypnagogique.
Pierce Warnecke est un artiste numérique qui travaille à la fois dans les domaines sonores et visuels. Ses projets croisent musique expérimentale, arts numériques et vidéo. Ils sont influencés par les effets du temps sur la matière et les limites de l’expérience sensorielle. En parallèle, il collabore avec des artistes tels que Frank Bretschneider ou Matthew Biederman. Il a présenté ses œuvres à MUTEK ou à Elektra et publié son travail sur Sedition, Room40 et raster-media.
Création 2021/22
Conception : Pierce Warnecke & Clément Edouard
Construction, collaboration artistique : Guillaume Cousin
Production MAGE
Co-production : PUZZLE - Ville de Thionville
Accueils en résidence : VidéoFormes , PUZZLE, Communauté de commune Pays des Vans en Cévennes
Projet soutenu par la Région et la DRAC Auvergne-Rhône-Alpes/SCAN, et le département de l'Ardèche
Vivien Roubaud (FR)
Salsifis douteux (2023)
• Halles 1 & 2
Des boutons de Tragopogon dubius - une plante communément appelée Salsifis douteux proche du pissenlit (grande famille des astéracées) , que l’artiste récolte lui-même - sont ici conservés dans des sacs sous vide entreposés dans un réfrigérateur. Le visiteur·euse est invité·e à s’emparer d’un de ces boutons et à le placer sur un des trois dispositifs. En actionnant simultanément les interrupteurs présents sur la sculpture, des zones de chauffes spécifiques et un air exempt d'humidité déclenche l’épanouissement du fruit du salsifi : en seulement quelques dizaines de secondes son pappus est entièrement déployé . Témoin d’une magie rare car imperceptible de l'œil humain, le·la visiteur·euse pourra répartir avec cette fleur ou bien choisir de la laisser au pied du dispositif. Celles qui joncheront ce sol stérile seront piétinées, leur graines disséminées dans une vaine tentative de germination. Salsifis douteux joue donc sur un paradoxe : le caractère brutal de l’intervention humaine sur le cycle de la nature vient se heurter à la beauté éprouvée devant l’épanouissement d’une fleur.
Vivien Roubaud est diplômé de l'École nationale supérieure d'art de la Villa Arson à Nice. Il cherche à extraire des qualités inutilisées ou des propriétés cachées des objets qui nous font vivre. Ses créations recréent fréquemment des micro-phénomènes ou microcosmes. Poussières ou pollens, pièces détachées d'imprimantes ou de congélateurs sont mis à contribution pour créer des installations hybrides souvent en équilibre sur le fil d'une technique (Pollen de peuplier, soufflerie, centre-mètres cubes d'air, deux-cent-vingt volts, 2010 ; Flux d'airs, four centrifuge, sableuse, atmosphère protégé, courants électriques, sucre cristal, 2017). Le travail de Vivien Roubaud a été présenté au 104 à Paris, au Pavillon de Namur ou dans le cadre de Lille 3000.
Cette pièce a été produite pour la première fois dans une exposition en 2022 avec la galerie In Situ Fabienne Leclerc.
Remerciements : Le Pavillon Namur et le KiKK festival pour avoir permis de continuer cette recherche et d’installer ce travail pour l’exposition #CAPTURE2 en 2023.
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June Balthazard et Pierre Pauze (FR)
MASS (2020)
• Halles 1 & 2
Au travers de deux films et d’éléments de sculpture, l’installation Mass dessine les contours d’un monde futuriste où le soleil ne se lève plus.
Entre science et science-fiction, un premier film met en scène d’éminents scientifiques dans leur propre rôle - Chiara Mariotti (physicienne des particules, prix Emmy Noether 2018) et Michel Mayor (astrophysicien, prix Nobel 2019) - discutant du phénomène énigmatique de la « nuit sans fin ».
Placée dans ce contexte de méta-crise écologique, l’installation s’articule autour d’une matière qui, dans des mythes de création (Éther) comme dans les plus récentes découvertes de la physique des particules (Boson de Higgs) est décrite comme le tissu de l’univers, liant les hommes au reste du vivant.
Fable métaphysique oscillant entre récits de création de la matière et apocalypse, Mass puise sa source dans ces récits traversés d’une magie sous-jacente et se concentre sur ce qui fait tenir le monde ensemble.
June Balthazard réalise des films hybrides. Son geste documentaire se confronte à des formes plus lointaines de la réalité, comme dans son film Le Baiser du Silure (2018). Son travail est présenté dans de prestigieux festivals et établissements culturels (Musée des Beaux-Arts de Taipei, Melbourne International Film Festival, Festival international du film de Busan...).
Pierre Pauze développe des protocoles d’installation et de vidéo proches de la culture cinématographique. Il s’intéresse aux croisements disciplinaires : la biochimie, Please Love Party (2019), la science ou le gaming, xSublimatio (2021). Ses œuvres sont programmées dans de nombreuses institutions internationales (Grande Halle de la Villette à Paris, Musée Es Baluard de Palma de Majorque, Musée K d’art contemporain à Séoul...).
Les artistes présenteront leur travail lors des Miniconférences de Scopitone, le vendredi 20 septembre à 18h30 au Bras de Fer (20 Bd de la Prairie au Duc) :
Les Miniconférences de Scopitone 2024
L’installation Mass a été présentée en première mondiale à la Biennale de Taipei 2020, sous le commissariat de Bruno Latour et de Martin Guinard Terrin. La troisième et dernière partie a été créée à l’occasion du festival Le Nouveau Printemps 2024 et a reçu le soutien de la Fondation des Artistes.
Studio Lemercier (FR - BE)
Slow Violence (2019 - 2021)
• Galerie de l'Ordre des Architectes
En Allemagne, à environ 170 km de Bruxelles, s'étend la forêt primaire de Hambach. Aujourd'hui, il ne reste plus que 10 % de ce trésor naturel. Le reste a été déboisé pour faire place à une gigantesque mine de lignite (une variante du charbon) également connue pour être la plus grande source de gaz à effet de serre en Europe. A perte de vue, le puits de la mine ressemble au gigantesque cratère qu'aurait laissé l'impact d'une météorite. Au fond, une dizaine d'excavatrices, les plus grandes machines jamais construites par l'être humain, dévorent les couches de sédiments, nuit et jour. Au loin, de larges panaches de fumée s'échappent des cheminées de quatre centrales électriques qui brûlent directement le charbon extrait et exploité par le géant de l'énergie allemande RWE.
Avec Slow Violence, Joanie Lemercier dévoile sans filtre cette catastrophe écologique, l'un des points chauds de l'activisme environnemental. Il transforme des heures d'images filmées par drone et de multiples prises de vue en une installation immersive. Le·a spectateur·rice est confronté·e à des scènes criantes d'injustice climatique qui se déroulent sous l'œil bienveillant de puissances politiques et économiques travaillant main dans la main. Cette œuvre met aussi en lumière la capacité de mobilisation de chaque citoyen·ne, l'importance de la solidarité et le fait que l'avenir est ce que nous en faisons : grâce aux pressions croissantes exercées par la société civile, les derniers lambeaux de la forêt de Hambach ont été épargnés.
Le Studio Lemercier est co-dirigé par l'artiste Joanie Lemercier et la commissaire indépendante Juliette Bibasse. Le studio travaille principalement autour de la projection de lumière dans l'espace avec une pratique visant à s’échapper des écrans conventionnels comme avec Constellations (2018) présenté à Scopitone en 2022. Une grande partie de leurs projets est inspirée par la nature et questionne la représentation du monde à travers du code, des mathématiques, des sciences et des technologies. La première exposition monographique du studio, intitulée "Paisajes de Luz", a été commissionnée en 2021 par la Fundación Telefónica de Madrid et a été exposée à Mexico et à Lima. Ces 15 dernières années, Joanie Lemercier a multiplié les collaborations avec des artistes de renom (Jay-Z, Flying Lotus et Adrian Utley de Portishead…). Depuis 2018 Juliette Bibasse est commissaire invitée par plusieurs festivals internationaux (Eindhoven, Montréal, Barcelone...).
Slow Violence
2019-2021
Installation vidéo, 27 minutes
Vidéoprojection, musique
Studio Lemercier
Artiste : Joanie Lemercier
Co-direction : Juliette Bibasse
Développement technique : Martin Pirson
Production : Nicolas Roziecki
Crédits du projet
Création : Joanie Lemercier
Vidéo (prise de vue et montage) : Joanie Lemercier
Production : Juliette Bibasse
Musique : avec la permission de Multiverse Media Publishing et Subtext Recordings, musique par Roly Porter, Ellen Arkbro, Cevdet Erek
Mix audio : James Ginzburg
Film de l’église d’Immerath : Arne Müseler
Images d’activistes filmées pendant les actions organisées par l’association Ende Gelände en Juin 2019 et Septembre 2020
Textes : Juliette Bibasse et Alexander Scholz
Myriam Lambert (CA)
Plafond de cristal
• Halles 1&2
À Val-d’Or et ses environs - région industrielle et minière de l'ouest du Québec - il est habituel que la terre, les maisons et tous les éléments tremblent au son des explosions des mines. Deux euphoniums sciés, dont la forme pourrait évoquer les galeries minières, sont posés sur une structure. Ces instruments dissimulent des haut-parleurs et diffusent des enregistrements effectués à l’aide de microphones sismiques. Les secousses, les vides bourdonnants, les fréquences qui courent sous terre et en surface sont captés et mixés. Complétant ce dispositif, une vaisselle de verre posée sur une plaque en métal vibre délicatement aux sons des bruits miniers. Ce léger mouvement est mis en évidence par une faible lumière mouvante. Plongée dans une quasi-obscurité, une ombre portée surgit, un son organique apparaît. Plafond de cristal propose une image poétique et politique de ces explorations minières qui détournent, restructurent et déconstruisent nos territoires.
Myriam Lambert est diplômée d’une maîtrise en arts visuels et médiatiques de l’Université Laval au Québec. Elle explore le thème de l’identité par le biais d’interventions dans des lieux de mémoire (Fourmis - Allégorie de la résistance, 2017). Son travail examine la notion de temps dans ces lieux, en considérant leurs sons, leurs contextes, leurs architectures. Ses œuvres se concrétisent par le biais de l’art sonore, l’art électronique, de l’installation, la performance ou de la littérature et ont été présentées dans d’anciens camps de concentration argentins (Chemins des disparus, 2011) ou d’anciens pénitenciers costaricains (Camino de la Memoria, 2012) et d’autres lieux.
L'artiste remercie le CALQ pour sa participation financière, Avatar et Nathalie LeBlanc pour leur soutien technique, Mélanie Crête, David Stylenko, Maud Lambert pour leur soutien logistique, une mine anonyme dans la vallée de l'or qui lui a permis d'effectuer des enregistrements sous terre ainsi que les nombreux Valdorien·ne·s qui ont pris part à l'aventure.